Rencontre avec Arnaud : Aimer sans compter

Son arrivée à St-George, Arnaud s’en souvient très bien. C’était le 4 janvier 1993. «Un dimanche soir, précise-t-il. J’ai été accueilli par Rudolf et Christine, qui ont été mes deux responsables au foyer Tamaya pendant quatorze ans.» Arnaud réside désormais, et depuis seize ans, au foyer Envol. Il n’est pas le seul à porter ce prénom dans l’institution. Tous les deux sont très actifs au quotidien, se baladent très régulièrement sur le site d’Yverdon. Cet Arnaud-là a en revanche la voix qui porte, même lorsqu’il s’agit de nous raconter ses souvenirs.

Des souvenirs, il en a énormément. Ce n’est pas un hasard quand on sait que l’homme de 48 ans s’est toujours engagé pour cette institution qui lui est chère. «Un des moments phares, c’est la vente de Noël. Je m’occupe de gérer le parking. Et je peux vous dire que les gens roulent comme des malades. Parfois, c’est une question de vie ou de mort ! Mon rôle consiste à les calmer, à assurer la sécurité dans le parking.» Durant cet événement, Arnaud se sent à sa place. Il se sent reconnu. «Je dispose d’un équipement, composé d’un gilet et d’un talkie-walkie. J’ai le sentiment d’être pris au sérieux. Je vais même aller plus loin : une année, une personne m’a tout discrètement glissé une pièce de deux francs dans ma main. La somme n’a pas d’importance pour moi, mais le geste avait une valeur inestimable. Je me suis senti considéré. Pour vous dire, l’année suivante, au même endroit et lors de la même activité, j’avais les larmes aux yeux en repensant à cette scène.»

Bénévole au triathlon

Arnaud donne également de sa personne en dehors de la Fondation St-George. Une fois par année, il s’occupe de la sécurité pour le triathlon d’Yverdon-les-Bains. Là aussi, pas question de prendre son rôle à la légère. «Je suis encore plus impitoyable qu’à la Fondation, car là je collabore avec la police. Quand je dis : on ne traverse pas, alors personne n’a intérêt à traverser. Je troque ma personnalité un peu plus détendue pour en emprunter une autre, celle de l’homme sérieux. Si quelqu’un traverse lors du passage d’un athlète, vous savez qui c’est qui terminera vers le premier-lieutenant de police ?»

Mon handicap ne m’a jamais empêché de vivre, ni de faire des murs en pierres sèches. Et encore moins de jouer du violoncelle !

Arnaud

Arnaud aime s’engager pour des causes. La routine l’effraie, et il a parfois besoin de voir de nouveaux horizons. Tous les quinze jours, il se rend chez ses parents en Valais. «Je suis Valaisan et fier de l’être !» Un trajet en transports en commun depuis la Fondation qui lui prend presque cinq heures, mais qu’il entreprend avec grand plaisir. «Ce sont des moments qui me ressourcent. On fait des balades, mais des balades adaptées. J’ai une jambe plus courte que l’autre, alors je ne peux pas m’engager sur tous les itinéraires.» Arnaud n’a pas peur d’évoquer son handicap. Il ne le considère d’ailleurs pas réellement comme un frein dans son quotidien. «Cela ne m’a jamais empêché de vivre, ni de faire des murs en pierres sèches. Et encore moins de jouer du violoncelle.»

Le sport : un gros manque

La pandémie a bouleversé une grande partie du quotidien des résidents. Arnaud n’a pas été épargné par ce cataclysme. «Je dois reconnaître que, ce qui me manque le plus, c’est le sport. J’aime beaucoup l’athlétisme et la natation. Et le football, surtout. Sans ça, le temps est long, je me sens parfois mal. C’est une source d’énergie positive que de pratiquer ces activités.» Il fait d’ailleurs partie de l’équipe de football de la Fondation. Mais depuis quelque temps, les entraînements se font rares. «Je peux vous dire que l’on a une équipe très solide sur le papier. Khalid, un de nos responsables, m’a confié une fois : Arnaud, tu es un de nos meilleurs gardiens. Des footballeurs comme on a dans l’équipe ? Certains valent plus d’un million, c’est sûr.»

Le résident d’Envol se souvient d’une partie de football du côté de Bavois. Il s’y était rendu avec son équipe et son entraîneur. «Il faisait cinq degrés, autant vous dire que, quelques jours après, je suis tombé malade.» Un périple qu’il raconte aujourd’hui avec le sourire. Avec un brin de nostalgie, aussi. Plus son récit avance, plus on y devine la volonté de renouer avec cette pratique. «Mon vœu le plus cher ? Celui de trouver une équipe de football avec des personnes comme moi, en situation de handicap.»


Enfin Arnaud aime bien écrire. Avec une belle calligraphie, qui plus est. Il a tenu à nous partager l’un de ses textes, mettant en exergue son amour pour la nature.

Ô bonne Mère Nature

Je te remercie pour tout ce que tu fais pour nous, tes enfants ;

Grâce à toi nous pouvons vivre en bonne santé tous les jours et sans souci.

Mère Nature peut aussi causer des problèmes à l’Homme.

Mais est-ce que l’Homme se souvient qui est sa mère ? Et ce qu’elle fait pour le bien de l’Homme ?

Mais est-ce que l’Homme pense à la réaction de Mère Nature ?

Et n’oublions pas que c’est grâce à Mère Nature que l’Homme peut vivre.